Cultiver le contentement : sagesse orientale
Pour les sages de l’orient, cultiver le contentement est une grande valeur, un art de vivre et une manière d’éviter la souffrance et l’insatisfaction. On retrouve cet enseignement dans le Védisme, le Bouddhisme et le Taoïsme. Autant dire qu’il fait l’unanimité….
Il n’existe pas de plus grand crime que celui de ne savoir réfréner ses désirs.
Il n’existe pas de désastre plus grand que celui de ne savoir se contenter
Il n’existe pas de plus grand malheur que celui causé par l’esprit de convoitise.
Ainsi, en sachant se contenter, l’on ne manque jamais de rien.
Lao Tseu – Tao Te King

A la fin de chaque cours de Kiko nous faisons une petite méditation de quelques minutes qui se termine le plus souvent par le fait de venir générer en nous un sentiment de contentement.
C’est un état d’esprit ou une valeur fondamentale dans la sagesse orientale.
Dans les Niyama (règles de conduite personnelle) des Yoga Sutra de Patanjali, figure « Santocha » que l’on traduit par contentement ou acceptation.
Mécontentement et contentement habituel :
A moins que vous ne soyez d’une nature spontanément heureuse et satisfaite de tout ce qui vous arrive (ce que je vous souhaite), vous aurez remarqué qu’il ne se passe presque pas une journée sans que nous n’expérimentions du mécontentement à propos de quelque chose, de quelqu’un ou d’une situation.
Nous avons aussi expérimenté le sentiment d’un contentement quand nous obtenons ce que nous désirons, que les événements se déroulent favorablement pour nous, que les personnes agissent selon nos souhaits ou que nous arrivons à faire ce que nous voulons.
Ce contentement basé sur les objets et les circonstances est de courte durée. Peut-on parler ici de cultiver le contentement ?
Pourquoi le contentement habituel est de courte durée :
Raison N°1 :
Les événements, les circonstances, le contact avec les objets sont soumis au changement continuel ou à l’impermanence. Ce qui vient, s’en ira ; ce qui se manifeste, sera détruit ou dissous, les sensations arrivent puis disparaissent.
Alors quand l’objet disparait ou les circonstances « favorables » changent nous ressentons de l’insatisfaction et du mécontentement.
Raison N°2 :
Le mental est lui-même instable et insatisfait par nature.
C’est-à-dire que quand nous obtenons ce que nous souhaitons, nous savourons brièvement ce moment et rapidement, le mental va se mettre à la recherche d’un autre objet ou de plus de l’objet obtenu.
C’est typique avec l’argent. Une étude a montré que quelle que soit la tranche de salaire dans laquelle on se trouve, invariablement les gens disent (en très grande majorité) qu’ils se sentiraient vraiment à l’aise avec 15 à 20% de revenus supplémentaires. Cela est valable pour le smicard ou pour celui qui gagne 5, 10 ou 100 fois plus. Cherchez l’erreur !

Le contentement dû au plaisir (désir) amène la souffrance :
Les sages de l’orient nous disent que la recherche des plaisirs ou du bonheur via les objets des sens est systématiquement suivi de la souffrance.
Si nous y réfléchissons, c’est l’expérience que nous faisons au quotidien. Là où nous nous illusionnons le plus c’est qu’à chaque fois que nous ressentons de l’insatisfaction, nous souhaitons renouveler l’expérience sensorielle qui nous a apporté un plaisir fugace qui a été elle-même à l’origine de l’insatisfaction suite à la fin de la sensation de plaisir.
Prenons un exemple simple, à savoir que nous aimons beaucoup le sorbet à la fraise :
Nous mangeons notre sorbet à la fraise préféré, et nous en éprouvons un vif plaisir et un sentiment de satisfaction. Une fois que le sorbet est fini, un sentiment de « trop peu » ou d’insatisfaction émerge et nous décidons de nous resservir une ou deux boules. Le même processus recommence.
Si nous avons été gourmand au bout de 4 fois nous sommes repus, voire un peu indisposés avec peut-être de la culpabilité et de l’insatisfaction lié à notre comportement abusif…

Si nous avons été carrément glouton, nous avons mal au ventre et peut-être nous pouvons nous sentir dégouté d’avoir mangé tout ce sorbet.
Le même objet qui nous avait créé du plaisir au début, nous crée du déplaisir à présent.
Cela devient clair que le plaisir ou la satisfaction n’est pas inhérente à l’objet lui-même. Sinon il devrait toujours procurer la même sensation.
Pourtant le mental s’illusionne encore et encore en cherchant la satisfaction dans les objets.
Cette poursuite vaine est en elle-même une source de stress et d’insatisfaction inconsciente pour la plupart des personnes. Croire cultiver le contentement par l’assouvissement de nos désirs nous entraine dans une impasse.
L’insatisfaction chronique face aux événements :
Une autre catégorie d’insatisfaction est celle que l’on éprouve face aux événements quotidiens de la vie (y compris les personnes).
Il pleut, Zut je vais me mouiller, je n’aime pas conduire sous la pluie, les escargots vont manger mes fleurs….
Il fait beau, je me suis trop couvert, je ne supporte pas la chaleur, il va y avoir des restrictions d’eau …
Je vais amener un paquet à la poste : Il y a 2 personnes devant moi qui prennent du temps, je le savais que je n’aurais pas dû venir à cet horaire, c’est toujours à moi que ça arrive, je ne suis jamais dans la bonne file etc…
Quel que soit l’événement un mental qui a tendance à l’insatisfaction va interpréter la situation comme pénible, inconfortable, menaçante, insupportable…
Cette tendance à l’insatisfaction et à une forme de négativité est assez courante chez nombre de personnes et presque automatique chez la plupart d’entre nous quand nous sommes confrontés à des environnements ou des personnes en particulier (ex : un parent proche, un collègue de bureau, quand nous prenons l’avion etc..).
A ce moment c’est comme si quelque chose «de plus fort que nous » s’impose à nous pour nous mettre dans cette insatisfaction.
Plus nous sommes stressés et plus les choses sont difficiles à supporter si elles ne vont pas dans notre sens, le mécontentement arrive et renforce notre stress déjà présent. C’est un véritable cercle vicieux pas facile à arrêter.
Les remèdes face à l’insatisfaction
Comme pour un poison physique, nous avons besoin d’un antidote physique, pour un poison psychologique (ou dans l’esprit) nous pouvons faire appel à un antidote ou remède pour notre esprit.
Remède N°1 l’acceptation :
Pour le mental l’acceptation est difficile. Lui veut toujours que les choses soient comme il voudrait qu’elles soient non comme elles sont en réalité. Il y a donc une résistance à la situation qui nous mets en tension et en malaise et le mental répète en boucle que la personnes ou l’événement qui se déroule devant nous doit être différent de ce qu’il est.
D’un point de vue, il s’agit d’une forme de «folie » très commune qui nous fait nier le réel et croire qu’un niant ce réel ou en y résistant, il va alors changer ou se transformer. Comme cela n’arrive pas. La frustration, la colère, le mécontentement augmente d’autant plus.
Accepter le réel veut simplement dire que nous reconnaissons les faits tels qu’ils sont à l’instant. Et que nous décidons de faire avec plutôt que de faire contre. Ce qui ne nous empêche pas d’agir dans une situation donnée ou de constater que nous ne pouvons rien faire pour la changer. S’il pleut nous pouvons prendre un parapluie, accepter de nous mouiller mais pas arrêter la pluie de tomber.
La plupart des sages de l’orient portent une attention toute particulière à ce processus d’acceptation.
Dans les arts martiaux, on utilise la formule : S’opposer à une force, c’est s’y soumettre. L’accepter c’est pouvoir l’utiliser.
Depuis son enfance, la devise de Ma Anandamoyi était «Jo ho jaye » ce qui signifie « arrive, ce qui doit arriver ».

Remède N°2 Cultiver le contentement ou la satisfaction qui ne repose sur rien
On pourrait aussi bien dire pratiquer le contentement sans objet.
Nous avons vu plus haut que les objets en eux-mêmes ne sont pas la source du contentement ou de l’insatisfaction.
Celle-ci repose dans notre esprit.
C’est donc un état d’esprit qui ne dépend des circonstances ou des objets.
Dans notre pratique quotidienne de méditation, contemplation ou de Qi Gong nous pouvons prendre le temps de générer une pensée, un sentiment de contentement et de nous laisser imprégner le temps nécessaire pour nous sentir profondément en accord avec la Vie qui se déroule.
On pourrait même considérer que cet état de contentement, de satisfaction fait partie des qualités de notre essence même.

Qu’il s’agit de notre état naturel quand le mental ne vient pas mettre son grain de sel. C’est pourquoi dans le Zen on insiste sur le fait de méditer sans effort, naturellement quand c’est ainsi que l’on peut retrouver notre nature ou la laisser émerger de l’intérieur afin qu’elle prenne plus de place à l’intérieur, dans notre esprit et par la suite dans les heures de notre journée.
L’expérience que nous pouvons faire c’est qu’en prenant consciemment le temps de nous connecter et de vivre dans cette satisfaction intérieure qui ne demande rien à l’extérieur, nous allons être beaucoup plus tranquille dans notre journée, un peu comme si nous étions immunisés contre l’insatisfaction ou que nous avions fait des réserves de contentement qui vont nous permettre de continuer à bénéficier de cet état face à des situations qui habituellement viennent nous déranger.
Je ne peux à présent que vous encourager à faire cette expérience et repérer aussi dans votre vie quand votre esprit génère de l’insatisfaction pour pouvoir vous motiver à prendre soin de vous chaque jour en décidant de cultiver le contentement.
Bonne pratique !