Dans les pratiques énergétiques, le « chamanisme », certaines pratiques spirituelles, on parle d’objet de pouvoir, de pouvoir magique, de retrouver son pouvoir personnel etc… sans réellement comprendre la nature de ce pouvoir ou parfois en attribuant faussement l’origine de ce pouvoir.
Dans son livre : « Le bol et le bâton », le maitre Zen Taisen Deshimaru propose 120 contes différents dont le bol et le bâton (objet de pouvoir) qui a donné son titre au livre.
« Il y a très longtemps sévissait en Chine une pénible et longue sécheresse. Les rizières étaient desséchées et les gens souffraient de la faim. On fit venir un célèbre moine-magicien, Maître Shoko, pour qu’il use de ses pouvoirs contre le malfaisant dragon qui retenait la pluie. Par des incantations, Shoko fit venir le roi des dragons, puis tous les dragons du ciel, puis il les enferma tous dans son bol, et la pluie se mit à tomber abondamment.
Le bol du moine a un pouvoir cosmique au-delà de toutes limites.
Lors d’un voyage qu’il faisait à travers la Chine, Maître Chû rencontra dans la montagne deux tigres qui se battaient furieusement ; il interposa entre les deux féroces carnassiers son bâton surmonté d’anneaux qui tintaient ; le combat cessa aussitôt.
Ce bâton symbolise aussi un pouvoir puissant et mystérieux. »« Ces objets n’ont pas de pouvoir matériel, les dragons ne peuvent pas entrer dans un petit bol, et un simple bâton de bois ne fait pas peur à la fureur de deux tigres. Ils n’ont pas non plus de pouvoir magique, mais ils symbolisent le pouvoir du bouddha, l’essence du zen. »
Taisen Deshimaru commence donc par nous dire que ces objets n’ont pas de pouvoir matériel.
C’est-à-dire qu’ils n’ont pas la capacité en eux même de générer l’action qui leur est attribuée.
Il affirme qu’ils symbolisent le pouvoir du Bouddha, l’essence du Zen.
Est-ce que c’est le pouvoir du Bouddha, le pouvoir du moine, ou celui de l’objet en tant que symbole qui agit ?
La question nous est posée et comme dans tous les contes Zen, c’est à nous d’y réfléchir et de tenter de donner notre propre réponse.
Je vous propose plusieurs pistes de réflexion.
C’est l’objet de pouvoir qui agit :
Si nous pensons que c’est l’objet en tant que tel qui détient un pouvoir, nous allons tomber dans une croyance matérialiste, de l’idolâtrie, du fantasme, comme pour la recherche du Saint Graal ou les batailles pour les reliques du Christ.
C’est une vision matérialiste de la spiritualité, qui peut entrainer conflits et incompréhension, jalousies et tentatives d’obtenir un pouvoir personnel à travers des objets qui ne feront que renforcer notre égo et notre illusion (le tambour du chamane, la dent de lion du guerrier africain, les reliques d’un saint…).
C’est le moine qui est détenteur du pouvoir :
C’est lui qui fait l’action d’invoquer les dragons et qui les emprisonnent dans le bol.
C’est par lui et non par le bol que l’action est possible.
Si nous admettons cette possibilité, alors nous remettons notre confiance et croyons que des personnes sont investis de pouvoirs « magiques » inaccessibles au commun des mortels. Nous croyons au pouvoir du guérisseur, de l’enseignant spirituel, du chaman, du thérapeute, du professeur de Yoga, du sorcier etc…
Cette croyance est largement répandue et elle n’est pas nécessairement à rejeter dans sa totalité mais plutôt demande un éclairage.
Si la totalité du pouvoir est remis (sans compréhension) entre les mains de la personne, alors nous pouvons placer notre confiance à l’extérieur de nous sans discernement, et aussi être dans une recherche de pouvoir personnel pour parvenir à la position ou à ce que nous croyons de la capacité réelle de l’autre à agir par lui-même sur le cours des évènements. Cela entraine toutes les dérives que nous pouvons observer dans les groupes même sincères de chercheurs en quête de soi, de bien-être, ou de développement personnel.
Cela suscite une ambition personnelle, une recherche axée sur l’extérieur, la capacité d’influencer ou de contrecarrer le déroulement des choses dans le monde ou de venir en aide.
C’est le Bouddha qui est le véritable pouvoir :
C’est ce qu’affirme Taisen Deshimaru. On pourra aussi remplacer le mot Bouddha par l’Esprit, La Source, le Divin.
Mais le Bouddha, ou l’esprit du Bouddha pour agir dans la matière doit se manifester par l’entremise du moine et de son bol ou son bâton.
On peut dire que c’est la source de l’énergie qui est transmise à travers le bol et le bâton.
C’est pourquoi le conte affirme : « Le bol du moine a un pouvoir cosmique au-delà de toutes limites. »
Si on veut utiliser le bol sans le Bouddha ou son esprit c’est un peu comme si on voulait monter des blancs en neige avec un batteur électrique sans brancher la prise. Il ne se passera rien.
Au pire on va agiter le batteur et se fatiguer pour rien, essayer de le brancher n’importe où en espérant qu’il fonctionne.
Ca peut faire sourire mais c’est ce qui se passe quand nous investissons notre croyance dans des « objets de pouvoir » sans conscience d’une connexion spirituelle clairement définie.
Le bol a un pouvoir cosmique car il est relié a une réalité cosmique, l’Esprit du Bouddha, qui n’a pas de limite.
La manifestation d’un pouvoir (ou possibilité) engage la matière, l’homme et l’Esprit.
Pour que l’Esprit ou le non-manifesté puisse se manifester dans la matière, il faut que les 3 plans soit connectés, et garder à l’esprit qu’il y a une hiérarchie de niveau.
Pour comprendre cette connexion et ces niveaux on peut prendre pour exemple la manière dont Jésus a fait certaines guérisons.
Il imposait parfois les mains, mais cela ne viendrait à personne l’idée que ses mains détenaient un pouvoir particulier. Sinon, cela voudrait dire qu’on aurait pu lui couper les mains et les utiliser pour guérir qui que ce soit.
Quand il est interpellé par des aveugles (« fils de David, aie pitié de nous »), il leur demande :
- Croyez-vous que je peux faire cela ?
- Ils lui répondent
- Oui Seigneur
- Alors ils leur touchent les yeux et leur dit :
- Que tout se passe selon votre foi ! (parfois – Va ta foi t’a guéri)
- Leurs yeux s’ouvrirent.
Donc Jésus les touche une fois qu’il leur a demandé s’ils croyaient qu’il pouvait le faire et donc teste leur croyance en lui (l’intermédiaire entre le Divin et eux comme le moine dans le conte Zen).
Au final pour ne pas qu’ils croient en son pouvoir personnel, il leur dit que c’est leur foi en Dieu qui a agi donc l’Esprit.
Il leur rend la responsabilité de leur propre guérison dont il n’est que l’intermédiaire.
Quelle humilité de la part de Jésus ! On retrouve aussi cela quand il annonce à ses apôtres : « Ce que j’ai fait vous le ferez aussi et même des choses encore plus grandes. »
On peut retrouver cette humilité ou reconnaissance de la nature divine de chaque homme dans le Soutra de l’essence de Tathagata quand le Bouddha dit en parlant des hommes et de leur nature de Bouddha : « Ils sont comme moi ! »
Il y a une hiérarchie dans ces 3 niveaux et chaque niveaux inférieur est soumis au niveau supérieur, et comme le dit Taisen Deshimaru, au final c’est l’Esprit qui compte et qui peut faire advenir toute chose.
Le message de l’Inde sur les pouvoirs (Sidhis) qui surviennent sur le chemin spirituel :
Ma Anandamoyi explique que pour le Sadhak (aspirant sur la voie spirituelle) les pouvoirs « surnaturels » se développent forcément au cours de la Sadhana (pratique spirituelle) car ils représentent les fruits des efforts fournis. Soit le pratiquant les refusera s’il aspire à l’unité parfaite, soit il les acceptera comme des manifestations de l’Un. Dans ce cas il devra prendre bien garde à ne pas se laisser posséder par ces pouvoirs car alors ses progrès s’arrêteraient net.
Le grand Sage Swami Chidananda nous parle aussi de ces pouvoirs occultes ou surnaturels et de leur signification :
- La première chose à savoir est qu’ils sont des produits annexes à la pratique. Ils ne font pas partie de la quête du pratiquant sincère engagé vers le Suprême.
- La deuxième chose est qu’ils sont des encouragements et témoignent des progrès accomplis.
- Les pouvoirs arrivent comme des tentations pour tester votre valeur morale, et ils sont la plus grande barrière vers la connaissance du Soi.
Ils agissent de manière subtile et insidieuse, sans que le pratiquant s’en rende compte, il sera alors dévié vers une forme de vanité. C’est pourquoi ils doivent être rejetés comme du poison, car ils sont un poison pour le développement spirituel.
4. Si le pratiquant continue à progresser dans la Voie spirituelle, les pouvoirs disparaissent naturellement.
Ils sont de même nature que ce monde passager, transitoire et évanescent. Ils ne sont pas réels et n’ont aucune valeur fondamentale ni inhérente.
Mais il existe une exception et c’est la manière dont des Maitres réalisés qui ont la tâche de guider les chercheurs spirituels, utilisent les pouvoirs surnaturels.
Ils peuvent utiliser ces pouvoirs pour induire la foi chez un aspirant qui est prêt pour le chemin ou pour soulager les souffrances liées à leur Karma personnels (guérison des aveugles).
Jésus par exemple a souvent dit que les « miracles » étaient des signes pour manifester la gloire de Dieu afin que les gens se convertissent et changent leur vie.
C’est un thème vaste, profond et subtil.
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