Quel est le rôle d'un maitre spirituel

Quel est le rôle d’un maitre spirituel ?

Hommage à tous les enseignants, senseï, maitres spirituels et gourous

Le rôle d’un maitre spirituel ou Gourou est bien mal comprise dans le monde occidental et parfois même en Asie.

Le 30 décembre dernier, le maître instructeur international de Shintaïdo Ito Senseï a quitté son corps à l’âge de 81 ans après une vie entière dédié à la pratique et l’enseignement de cette voie.

Cela faisait seulement 4 années que je suivais ses enseignements en Shintaïdo et Qi Gong, mais j’ai été touché par cette rencontre, sa générosité et son départ.

C’est avec un profond sentiment de respect que j’ai écrit un article en son hommage et à tous les maitres et enseignants que j’ai croisés pendant cette vie.

Je livre ici à la fois mes expériences personnelles et les enseignements de différentes traditions orientales.

rôle d'un maitre spirituel
Ito Senseï effectuant Taïmyo Kata

Valeur et respect de l’enseignant

Ma première rencontre avec les arts martiaux s’est faite dans un dojo de karaté Go-Ju-Ryu (karaté traditionnel d’Okinawa) à Bordeaux. Tout le cours se faisait en japonais et il nous était donné une feuille avec toutes les expressions de bases à connaitre, pour les mouvements, positions etc… avec leurs traductions.

La première phrase se prononçait tout au début du cours juste après la concentration silencieuse en saluant les mains au sol :Onegaishimasu Senseï, ce qui signifie : «  S’il vous plait, Senseï ».

rôle d'un maitre spirituel

C’est simple et profond à la fois. Cela nous rappelle que rien n’est un dû, qu’à chaque cours l’enseignant donne de lui-même et transmet un enseignement qui a de la valeur. Il est donc tout naturel de demander respectueusement (s’il vous plait) à recevoir cet enseignement.

Saluer en s’inclinant en Asie n’est pas une marque de soumission mais de simple respect et aussi courant que de serrer la main chez nous, même si elle inclue une notion de respect supplémentaire.

Par rapport au respect,  Ma Anandamoyi nous dit : « Du respect vient la révérence, et de la révérence vient l’amour… ». Le rôle d’un maitre spirituel est donc de nous apprendre à développer respect et amour, pas envers lui-même, mais envers tout le monde.

Le mot Senseï en japonais signifie littéralement celui qui est né avant. Donc celui qui bénéficie d’une expérience antérieure et qui la partage avec ses élèves. Cette idée est proche du professeur, de l’enseignant mais sans notion de supériorité, juste le respect dû à un ainé.

Dans ce cours de karaté nous finissions aussi par la phrase : Arigatô gozaimashita (merci beaucoup) pour remercier l’enseignement reçu. Quelle que soit la Voie enseignée au japon (Zen, Ikébana, cérémonie du thé, arts martiaux…) la notion de gratitude est essentielle et fait partie du respect de la discipline.

La lignée ou l’origine de la discipline

Dans la plupart des Dojos d’arts martiaux japonais, il y a sur le mur au Nord, la photo du premier Senseï de l’école, du fondateur, voire d’un instructeur important. Quand on salue son enseignant dans le Dojo, on salue également le fondateur et toute la lignée des enseignants.
Cela n’a rien de personnel par rapport à l’enseignant en face de nous, car nous savons qu’il s’agit en fait d’une succession (ininterrompue) et en même temps nous pouvons remercier le dépositaire de cette tradition qui est en face de nous à ce moment.

La notion de lignée, de transmission dans une tradition est très importante en Asie mais on la retrouve aussi dans la Chrétienté avec tous les ordres monastiques comme les franciscains (lignée de Saint François) les bénédictins (lignée de Saint Benoit) les sœurs Clarisse (lignée de Sainte Claire) etc… ou même encore dans certaines missions, communauté ou œuvres de Charités comme la Fondation Abbé Pierre et les foyers Emaüs.

La responsabilité du Gourou (le rôle d’un maitre spirituel)

En Asie on dit souvent que nos premiers gurus sont nos parents.

En effet ils nous montrent l’exemple, nous guident, parfois nous imposent des règles de conduite, mais tout cela est pour notre plus grand bien et réalisé dans l’amour qu’ils nous portent.

Même si dans l’enfance et l’adolescence, les enfants peuvent avoir l’impression d’avoir à obéir et se soumettre à une volonté différente de la leur, quand ils grandissent et deviennent à leur tour des parents, le point de vue change totalement. Tous ceux qui sont devenus parents ont fait cette expérience.

Les parents portent la charge de subvenir aux besoins des enfants et à leur éducation parfois au prix de grands sacrifices. Ils ont la responsabilité de faire en sorte que chaque enfant puisse grandir, s’instruire, s’épanouir jusqu’à être autonome.

Du point de vue des parents la somme de devoirs est bien plus importante. Ils donnent sans attendre en retour avec patience, font face à l’ingratitude parfois et cependant sans se décourager continue à aimer et éduquer chaque enfant. Ils ne font pas de différence entre leurs différents enfants.

On peut utiliser cette comparaison pour comprendre la position du Guru ou enseignant spirituel.

Il a la responsabilité de tous les pratiquants ou disciples qui viennent à lui et s’engage intérieurement à les guider et les instruire jusqu’à leur épanouissement.

Le maitre est là pour nous élever jusqu’à notre plein potentiel car il voit notre essence et notre nature essentielle.

Comme le dit Yvan Amar « On ne reconnait pas un maitre à son nombre de disciples mais au nombre de maitres qu’il a formés. »

Ethymologie du mot Gourou ou Guru

Le mot Guru vient du Sanskrit et signifie précepteur, guide spirituel ou maitre. Un peu comme au japon il désigne un expert ou un enseignant reconnu dans le domaine religieux, spirituel mais aussi dans la danse, la musique ou dans d’autres domaines des arts ou de la connaissance.

Une autre interprétation divise le mot en deux partie Gu et Ru (ténèbres et dispersion). Le Guru serait également celui qui dissipe les ténèbres de l’ignorance en amenant la lumière connaissance.

C’est à la fin des années 70 en occident que le mot Gourou a été utilisé de manière péjorative pour désigner les leaders de mouvements déviants à la tête desquels se trouvaient des personnages manipulateurs voire dangereux. Il s’agissait en fait de faux gourous, mais le terme a été ainsi utilisé qu’il a créé dans l’opinion générale une méfiance par rapport au nom et à la véritable fonction et au rôle d’un maitre spirituel.

Le Lama Racine (d’origine) ou Gourou dans la tradition bouddhiste (mahayana) est très important et doit être bien comprise pour éviter tout déviance y compris auprès des pratiquants bouddhistes. SS le Gyalwang Drukpa a écrit un livre remarquable sur ce sujet : « Les merveilles du Gourou ».

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Le Guru et la fidélité

Comme le dit Amma, vous pouvez abandonner votre Guru, le Guru, lui, ne vous abandonnera jamais, exactement comme un parent fidèle et bienveillant.

La fidélité est le premier rôle du maitre spirituel.

Cette relation est proche de ce qui est relaté dans la parabole de l’enfant prodigue des évangiles, où le père accueille et pardonne à son fils, quelques soient les actions, tribulations de celui-ci pendant les années précédentes.

Le Guru et le non sectarisme

Comme le dit le Gyalwang Drukpa, il est important de garder une attitude de détachement par rapport au Gourou. Si l’attachement à notre Gourou nous fait penser qu’il est le seul maitre valable et que par conséquent les autres maitres ou voies sont mauvaises ou inférieures ; alors nous manquons de compréhension, de compassion et nous laissons la porte ouverte au sectarisme. Si nous choisissons un Gourou, celui-ci personnifie pour nous l’éveil, la libération et en même temps il est Un avec toutes les autres formes d’éveil, tous les autres maitres. En lui nous pouvons voir tous les autres et en regardant chaque autre Gourou, nous pouvons reconnaitre le nôtre. Si tel est le cas alors nous évitons le sectarisme et restons ouvert à toutes les manifestations de la Vérité.

A-t-on besoin d’un Gourou ? d’un enseignant spirituel ?

L’homme est souvent ignorant, et qui plus est ignorant de son ignorance ?

C’est un peu comme ces randonneurs qui parce qu’ils ont fait quelques ballades en montagne, se croient capables de monter un haut sommet d’alpinisme sans prendre de guide même en été.

Dans le meilleur des cas, ils se perdront ou ne pourront atteindre le sommet et feront demi-tour. Dans le pire des cas ils se blessent, mettent leurs vies et celles des autres en danger.

Cela ne viendrait à l’idée de personne de sensé de faire l’ascension du Mont Blanc sans guide et préparation physique spécifique. Et pourtant régulièrement on entend parler d’accidents dus à l’imprudence.

C’est exactement la même chose avec les différentes Voies de connaissances ou spirituelles. Nous devons reconnaitre notre ignorance et le besoin que nous avons de suivre un guide expérimenté.

Le Gourou comme le guide de montagne a déjà parcouru le chemin et connait la montagne. Il est donc à même d’évaluer les forces et les faiblesses des aspirants, de leur conseiller le chemin le plus adapté et de les guider personnellement dans l’ascension.

Il n’est pas là pour tirer quelconque mérite de notre chemin, mais est le compagnon infatigable de tous ceux qui ont décidé de lui faire confiance et dont il est responsable.

Jiddu Krishnamurti, le philosophe et mystique indien, enseignait l’idée que l’homme par sa seule analyse rationnelle devait atteindre la connaissance et la libération sans avoir recours à des pratiques spirituelles (Sadhanas) ou à un Gourou extérieur.

Jiddu Krishnamurti

Quand il rencontra Ma Anandamoyi, qui n’est jamais rentrée en dualité avec les croyances de quiconque, elle lui dit avec beaucoup de douceur : « Pourquoi parlez-vous contre les gourous ? Quand vous dites que l’on n’a pas besoin de gourous ou de sadhanas etc.. Vous devenez automatiquement le gourou de tous ceux qui acceptent votre point de vue, surtout si vous parlez comme vous le faites à de larges audiences qui sont influencées par vous ».

Que fait un vrai maitre spirituel ?

Pour nous faire avancer, le maitre spirituel va nous aider à reconnaitre nos faiblesses et nos défauts. Ce peut être une phase inconfortable mais elle est nécessaire. En voyant nos défauts, nous en prenons conscience, nous pouvons les accepter au lieu de les nier et donc nous en débarrasser ou les transformer.

Le rôle d’un maitre spirituel est de nous  inviter aussi à réaliser toute la place que prend l’égo, et en même temps son insignifiance par rapport à la puissance de la lumière qui est notre véritable nature. Il nous encourage et nous redonne la dignité qui en fait a toujours été là. Lui le sait et le voit mais empêtrés dans notre ignorance et notre aveuglement nous avons oublié cet héritage et la vérité qui vit en nous.

Le contact avec un maitre vivant :

Quand nous sommes en contact avec un enseignant généreux ou un maitre vivant, dès que nous acceptons son enseignement avec humilité ou que nous le saluons (faisons pranam) avec dévotion et abandon, il y a une transmission énergétique entre le maitre et le disciple.

Cela peut se manifester sous forme d’une nouvelle compréhension, d’une grande vitalité voire d’une transmission spirituelle et énergétique.

Ma Anandamoyi l’exprime ainsi :

« Lorsque nous saluons une divinité ou un saint, son pouvoir pénètre par notre tête… Le Pranam se fait uniquement à Dieu et jamais à une personne » . C’est donc le pouvoir divin qui réside dans le maitre ou le saint qui se transmet, pas le pouvoir personnel du Gourou.

Sri Ma dit encore : « Si vous adorez ce corps, il ressent la même chose pour vous. Mais il va sans dire que c’est Dieu que vous adorez et non ce corps ».

rôle d'un maitre spirituel
Ma Anandamoyi

La chance de connaitre un vrai Gourou :

Amma dit aux personnes qui la rencontre que nous avons beaucoup de chance.

1er Nous avons la chance de posséder une précieuse naissance humaine (comparée à toutes les autres formes de vie, c’est déjà très rare).

2ème Nous avons la chance de nous être engagé sur un chemin d’évolution spirituel (ce qui est rare parmi les hommes)

3ème Parmi les hommes qui se sont engagés sur une voie spirituelle, nous avons la chance d’avoir rencontré un maitre authentique (satguru) qui peut nous guider sur ce chemin.

Nous avons tous fait l’expérience d’un enseignant que nous avons apprécié et qui nous a transmis l’amour et l’intérêt pour sa discipline, qu’elle soit intellectuelle, artistique, sportive etc… Basé sur cette expérience nous pouvons avoir un aperçu de la nécessité et la chance de rencontrer le bon enseignant spirituel qui pourra accélérer notre apprentissage et nous donner l’énergie nécessaire pour avancer sur notre chemin spirituel personnel.

Le Gourou ou enseignant spirituel dans la tradition de l’Inde 

L’exemple d’Adi Shankaracharya

Adi Shankaracharya (8ème siècle) fut un des plus jeunes enseignants spirituels en Inde. Renonçant à l’âge de 8 ans, il chercha alors un premier maître qui l’enseigna pendant 2 ans puis le conduit à son propre maître. Il est dit qu’à 12 ans il avait la connaissance complete des Vedas. Il a enseigné et renouvelé la doctrine de l’advaita védanta (philosophie non dualiste de l’Inde). Il obtint la réalisation du Soi et continua à enseigner et réformer les pratiques spirituelles notamment en promouvant l’arrêt de tous les sacrifices lors des célébrations religieuses.

Ainsi la transmission traditionnelle se fait de maitre à disciple. Puis quand le disciple est suffisamment instruit et a obtenu des réalisations spirituelles (par l’ascèse, la méditation..) il se met lui aussi à transmettre l’enseignement reçu avec parfois l’apport de sa compréhension personnelle.

Selon les enseignements de Ma Ananda Moyi.

Le disciple qui pense qu’il s’agit d’un homme s’attend à avoir avec lui des relations habituelles. Mais le gourou qui est Dieu ou le Soi incarné, œuvre de l’intérieur… Ainsi donc, le gourou est à la fois extérieur et intérieur. De l’extérieur il provoque le choc qui oblige le mental à se tourner vers l’intérieur, de l’intérieur, il l’attire vers le Soi.

role du maitre spirituel
Sri Adi Shankaracharya

L’expérience de l’éveil spirituel déclenché par la grâce du maitre est comparable à celle de l’éléphant qui se réveille parce que dans son sommeil il a vu un lion.

Au lieu de compter uniquement sur le pouvoir salvateur du gourou ou du mantra, mettez donc un peu l’accent sur votre effort personnel (honnête et sincère) !

Quand vous faites un pas vers Dieu, Il en fait dix vers vous.

N’oubliez jamais que celui que vous servez (parent, enfant, ami, gourou) c’est Dieu qui a pris cette apparence.

Vous pouvez aussi visionner la vidéo d’Amma qui parle du rôle du gourou :

et aussi sur la patience et le point de vue du gourou :

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Image de Fabrice Buonanno

Fabrice Buonanno

Je pratique et j’enseigne le Kiko depuis plus de 30 ans
Le Kiko (Qi Gong en japonais) est issu des pratiques internes des arts martiaux japonais et a pour but d’harmoniser le corps, le souffle (respiration, énergie) et l’esprit.
Le Zen et le Shinto ont considérablement influencé les arts martiaux japonais et en ont fait une Voie vers l’Unité.
Le Kiko intègre naturellement ces influences et peut être considéré comme une méditation en mouvement qui nous plonge avec douceur et intensité dans la conscience du moment présent.
J’ai enrichi depuis 30 ans ma pratique personnelle par des enseignements sur les philosophies et pratiques orientales, Taoïsme, Bouddhisme, Yoga, Védisme, arts martiaux.
J’enseigne en salle, je donne des cours en ligne et j’organise des stages à Montpellier, Paris et l’été dans les Cévennes.

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